Cette page précise la place occupée par l’abeille dans l’ensemble du monde animal. Les zoologistes reconnaissent l’existence de plus de 20000 espèces d’abeilles : qui sont-elles, comment vivent-elles et quelles sont les caractères qui permettent de les différencier des autres insectes ?
L’abeille dans le monde animal
Le foisonnement des espèces est tel sur la terre que les biologistes ont mis au point un système efficace de classification; sans cela, pas moyen d’y voir clair, même parmi les insectes qui représentent à eux seuls près d’un million d’espèces; plusieurs nouvelles espèces sont d’ailleurs découvertes et décrites chaque année !
Une observation attentive permet de classer les abeilles dans l’embranchement des arthropodes, aux côtés des arachnides (les araignées) ou des crustacés : tous ces animaux se caractérisent, en effet, par des téguments composés de chitine, un corps formé de segments articulés, des yeux composés et d’autres caractères encore.
Au sein du groupe des arthropodes, les abeilles présentent une série de caractères particuliers, ce qui conduit à les regrouper dans un ensemble homogène, la classe des insectes : les abeilles possèdent, en effet, six pattes, deux paires d’ailes et un corps divisé en trois parties distinctes (tête, thorax et abdomen). La classe des insectes comprend 32 ordres, dont celui des hyménoptères, celui des lépidoptères (les papillons) ou encore celui des diptères (les mouches).
Les abeilles appartiennent à l’ordre des hyménoptères et en présentent bien entendu les caractéristiques :
- métamorphose complète, c’est-à-dire que le développement passe par les stades oeuf, larve, nymphe et finalement imago,
- ailes membraneuses et couplées par des crochets,
- pièces buccales de type broyeur-lécheur,
- parthénogenèse présente chez beaucoup d’espèces.
Parmi les hyménoptères, les abeilles se distinguent par la présence d’une « taille de guêpe » (thorax séparé de l’abdomen par un rétrécissement étroit) et d’un aiguillon chez les femelles; elles forment le groupe des apocrites aculéates. Ce groupe comprend plusieurs super-familles, dont celles des Formicoidea (les fourmis), des Vespoidea (les guêpes) et bien entendu des Apoidea (les abeilles).
La figure ci-dessous vous aidera à situer l’abeille dans le monde des insectes, plus spécialement dans l’ordre des hyménoptères (extrait du livre « être performant en apiculture »).
Les abeilles – ou apoïdes – forment un groupe d’hyménoptères extrêmement diversifiés. Le terme « abeille » peut tout aussi bien désigner l’abeille des ruches, ou abeille domestique, qu’une des 20000 autres espèces d’abeilles si on prend ce terme au sens large que lui donnent les zoologistes.
Toutes les abeilles ont en commun un régime exclusivement végétarien, à base de miel ou de nectar et de pollen. Les femelles possèdent d’ailleurs un organe de récolte du pollen appelé brosse et localisé au niveau des pattes postérieures ou sous l’abdomen. On y rencontre plusieurs espèces sociales, qui vivent en société, et même en sociétés permanentes dans quelques rares cas. Mais la plupart des espèces ne forment pas de sociétés évoluées ou sont carrément solitaires. On observe en fait une grande variation du degré de socialisation.
Les abeilles sont réparties en groupes plus homogènes, les familles. Parmi celles-ci, la famille des Apidae regroupe les espèces dont le degré de socialisation est le plus élevé, mais aussi quelques espèces solitaires; ce sont des insectes à langue longue, par rapport à d’autres familles d’espèces solitaires et à langue courte. Des caractères morphologiques permettent également de distinguer les différentes familles.
Au sein de la famille des Apidae, se trouvent plusieurs genres, et notamment les bourdons, qu’il ne faut pas confondre avec les faux-bourdons, les mâles de l’abeille domestique; les abeilles du genre Apis vivent en colonies permanentes et se reproduisent par essaimage.
Le genre Apis est formé traditionnellement de quatre espèces seulement, à savoir Apis mellifera, Apis dorsata, Apis florea et Apis cerana, mais on reconnaît aujourd’hui d’autres espèces proches parentes de celles-ci.
- Apis florea se trouve en Inde, Malaisie, Java et Bornéo. C’est la plus petite abeille. On la rencontre uniquement en plaine, en dessous de 500 mètres. Le nid est composé d’un seul rayon.
- Apis dorsata est répandue sur un large territoire de l’Asie Sud-orientale (Inde, Sud de la Chine, Philippines, Archipel Indonésien). Le nid est également formé d’un seul rayon.
- Apis cerana, la plus proche de l’abeille européenne. On la rencontre en Asie méridionale et orientale, partout où les abeilles peuvent s’installer. On l’élève facilement dans des ruches.
- Apis mellifera, la seule espèce indigène en Europe et en Afrique; on la trouve aussi dans d’autres contrées où elle a été introduite (Amérique, Australie).
Concept de race
L’abeille mellifère occupe une aire de distribution très large où elle rencontre des conditions écologiques très diversifiées. Ces conditions variables se répercutent sur les différentes populations locales et entraînent ainsi une variation géographique de l’abeille dont la finalité réside dans l’adaptation la meilleure possible aux conditions de vie. Cette variation, bien qu’évidente sur le plan morphologique, n’est pas suffisante pour assurer l’isolement sexuel des différentes populations et donc la formation d’une nouvelle espèce. Par contre, ces différences contribuent à l’apparition de différentes sous-espèces ou races géographiques. C’est à ces sous-espèces que se réfèrent les apiculteurs lorsqu’ils parlent de race. En apiculture, le concept de race n’a donc pas la même signification qu’en élevage, par exemple pour les chiens (épagneul, caniche…), les vaches (pie-noire, holstein…), etc.
La définition d’une sous-espèce repose, comme on vient de le voir, sur des différences d’ordre morphologique; il faut les compléter par d’autres caractéristiques, comme des adaptations écologiques et éthologiques particulières, ainsi qu’une répartition géographique précise.
Une espèce peut donc être formée d’un ensemble de sous-espèces interfécondes; c’est le cas de l’abeille mellifère pour laquelle plus de 20 races géographiques ont été reconnues. Les quatre principales races d’Europe occidentale sont l’abeille noire (Apis mellifera mellifera), l’abeille carniolienne (A. m. carnica), l’abeille italienne (A. m. ligustica) et l’abeille caucasienne (A. m. caucasica). Ces différentes sous-espèces peuvent être reconnues par l’observation de leurs caractéristiques morphologiques, comme par exemple, la longueur de la langue, la couleur de l’abdomen, les nervures des ailes, etc (voir figure ci-dessous).
L’abeille noire
Nomenclature
Chaque être vivant, animal ou plante, doit pouvoir être désigné sans ambiguïté. Pour cette raison, les scientifiques ont établi des règles internationales de nomenclature et ils utilisent un binôme latin (nomenclature binomiale) pour désigner chaque espèce. Pour l’abeille, on utilise le binôme Apis mellifera L. (1758). Apis est le nom générique (de genre) et mellifera est l’épithète spécifique (d’espèce) de l’abeille. Elle fut décrite en 1758 par Linné (L.).
Dans le cas de l’abeille, on ajoute souvent un troisième nom pour désigner la sous-espèce, par exemple Apis mellifera mellifera pour l’abeille noire d’Europe occidentale. Une autre dénomination est souvent utilisée, Apis mellifica mellifica.
Description
Cette abeille présente une allure assez trapue et une couleur du corps très foncée, presque noire. Elle est aussi caractérisée par un grand corps avec un abdomen volumineux recouvert de poils longs. Le tomentum assez étroit renforce sont aspect noir caractéristique. D’autres caractéristiques permettent de distinguer l’abeille noire des autres races. L’étude de la morphologie permet de reconnaître les races et leurs hybrides.
Répartition géographique
A l’origine, l’abeille noire peuple toute la France, les Îles britanniques jusqu’en Écosse et en Irlande, l’Europe centrale au nord des Alpes; elle occupe aussi les plaines du nord de la Pologne, l’est de la Russie jusqu’à l’Oural, ainsi que le sud de la Suède et de la Norvège. Actuellement, cette aire s’est étendue vers le nord grâce à l’apiculture.
Variabilité
A travers une aire de répartition aussi vaste, l’abeille noire rencontre des conditions écologiques extrêmement diverses; on conçoit facilement que le climat et la flore, deux aspects essentiels de l’environnement de l’abeille, soient très différents lorsqu’on passe du bassin méditerranéen à la Scandinavie ou à la Russie.
Sous l’effet de la sélection naturelle, l’abeille noire s’est adaptée à ces conditions écologiques variées, d’où l’apparition d’une diversité biologique très importante. Cette diversité est donc le résultat d’une longue évolution, travail irremplaçable réalisé par la nature.
Sur le plan morphologique, la variation entre les populations locales reste très faible et l’abeille scandinave ressemble à s’y méprendre à l’abeille provençale. Seules des analyses statistiques approfondies permettent de mettre en évidence des différences minimes, parfois entre populations distantes de moins de 10 km. Par contre, on a mis en évidence bien d’autres différences dans la physiologie, l’écologie ou le comportement. Plus récemment, la biologie moléculaire a permis de progresser dans la connaissance des populations locales.
Chaque population locale réunit donc un ensemble d’adaptations tout à fait spécifiques à son environnement. Du point de vue de l’élevage, ces populations sont remarquables par leur rusticité, ce qui justifie chez l’abeille des mesures de conservation au niveau des populations locales. Du point de vue apicole, la biodiversité et la rusticité apparaissent bien au travers du cycle biologique annuel d’une colonie. Pour illustrer, prenons l’exemple de la récolte du pollen. La figure ci-dessous (extraite de « être performant en apiculture« ) présente le rythme de récolte du pollen par une colonie d’abeilles de l’Entre-Sambre-et-Meuse. On observe un cycle particulier qui correspond aux besoins de la colonie.
La comparaison avec d’autres populations locales illustre clairement un aspect de la variabilité biologique. Le délai (en semaines) nécessaire à une colonie d’abeilles pour récolter respectivement 50 % et 90 % de sa récolte totale annuelle de pollen est utilisé comme critère de comparaison (tableau ci-dessous).
Région | 50 % | 90 % |
---|---|---|
Entre-Sambre-et-Meuse belge | 8 | 15 |
Région parisienne | 9 | 18 |
Bretagne | 13 | 22 |
Provence | 11 | 25 |
Landes de Gascogne | 18 | 26 |
Un autre aspect du cycle biologique concerne la quantité de couvain. Au sein de la race noire, on rencontre de nombreuses possibilités d’évolution au cours de l’année. Chacune d’entre elles constitue une réponse adaptée à un environnement particulier. Bien d’autres exemples permettraient d’illustrer l’adaptation et la diversité chez l’abeille noire.
Toutes ces caractéristiques d’adaptation au milieu sont héréditaires et font donc partie du patrimoine génétique de la race; elles font partie intégrante de la biodiversité de l’abeille noire. Au sein de l’abeille noire, Louveaux s’est livré en France à des expériences de délocalisation de colonies. Les résultats indiquent clairement que chaque population est adaptée à un environnement précis.